Le cross-rhythm (rhyhme croisé) ou cross-beat (battement croisé) est une forme spécifique de polyrythmie dans laquelle est présente une opposition rythmique qui court sur une partie ou la totalité d'une œuvre musicale. Il peut correspondre au décalage d'une figure rythmique dans une ou plusieurs mesures.
L'origine du cross-rhythm provient d'Afrique. Il a été découvert au début du 20ᵉ siècle à la confluence de plusieurs pays, dont l'Ouganda, le Niger, l'ancien Congo Belge et la Zambie. Il prédomine dans la région subsaharienne où il occupe l'essentiel des principes rythmiques traditionnels.
Le cross-rythm est la base constante d'un système métrique contradictoire dans lequel différents motifs rythmiques cohabitent sur un schéma d'accents ou de mesures identiques. Le terme de contre-rythme est alors usité pour l'évoquer. Cette opposition rythmique est traduite par le musicien africain comme une réponse naturelle dictée par l'émotivité et le stress de la vie quotidienne ; le rythme représentant à leurs yeux à la fois le lien avec la vie et l'indépendance assumée.
La cellule rythmique « trois pour deux » utilisée dans la musique occidentale est la plus significative des rythmes subsahariens. Elle constitue un des éléments fondamentaux de la plupart des textures de polyrythmies entendues dans les musiques d'Afrique de l'Ouest. Néanmoins, sa traduction rythmique s'explique différemment selon que l'on se place ou non du côté occidental.
En Occident, le « trois pour deux » est une figure d'indépendance rythmique relativement courante, mais son usage ne repose pas sur les mêmes valeurs de transmission qu'en Afrique d'Ouest. Prenons le banal exemple d'une cellule rythmique qui oppose un triolet de noires à la main droite et deux noires à la main gauche.
Pour faciliter son interprétation, il est d'usage de dédoubler la valeur des figures de notes. Dans notre cas, une mesure en 6/8 est utilisée pour laquelle la noire vaudra une noire pointée et la noire du triolet une noire. En comptant chaque temps, l'exécution de la figure se décomposera de cette façon :
Alors qu'en Occident, le « trois pour deux » constitue un tout indissociable et mathématique, le musicien africain traduit cette cellule rythmique comme deux cycles indépendants n'ayant pas le même statut. Les deux notes les plus longues représentent les temps principaux et constituent la référence temporelle de base, tandis que les trois notes supérieures ne sont que des temps secondaires qui seront toutefois accentués.
Ce point de départ ouvre d'autres horizons généralement complexes pour un musicien occidental, tels le « quatre pour trois » et le « cinq pour quatre ». D'autre part, contrairement à l'Européen, pour lesquels ce genre de dissociation rythmique est entrepris le plus fréquemment lors d'un cursus d'apprentissage scolaire, la polyrythmie est pour l'enfant africain comme un processus naturel qui intervient souvent dès le plus jeune âge. Cela a pour conséquence, une intégration autrement naturelle des figures asynchrones qui peuvent se traduire, à l'image du balafon, par des textures polyrythmiques à base de mélodies ostinato.
Divers instruments comme la kora ouest-africaine ou le marovany de Madagascar utilisent les particularités de ces structures d'indépendances rythmiques. Les mains ne se répartissent pas selon un jeu séparé, individuel. Bien au contraire, les doigts de chaque main peuvent interpréter des motifs rythmiques indépendants qui se croisent des aigus aux graves et inversement, soit en douceur, soit avec des syncopes variables. Partant de rythmes simples, ceux-ci se complexifient jusqu'à produire des répétitions de motifs décalés de contre-temps particulièrement ardus à réaliser techniquement.
La musique africaine est habituellement considérée par les ethnomusicologues comme polymétrique, en considérant l'accent rythmique dominant comme des accents métriques (temps principaux), au lieu des accents contramétriques (temps croisés) qu'ils sont en réalité. Cela tient au principe que contrairement aux musiques occidentales, la musique africaine ne peut être notée sans attribuer des métriques différentes à chaque instrument d'un ensemble. Bien entendu, cette remarque se réfère davantage à des musiques traditionnelles et non à des musiques africaines récentes qui ont recours à des utilisations de polyrythmies reposant sur des mesures simples, ne serait-ce que pour la danse, plutôt qu'à travers des mesures « composées »